Photographier une éclipse

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Pour sa deuxième tribune sur notre blog, après un article très apprécié sur ses photos d’Éclipses annulaires au 150-600mm F5-6.3 DG OS HSM | Sports, Nicolas alias Checkmydream nous en dit un peu plus sur sa méthode pour obtenir ces incroyables images.

Un peu d’histoire pour commencer

Le phénomène

Sujet à la peur et au mysticisme dans des temps reculés, le phénomène des éclipses de soleil est la résultante d’un incroyable effet d’optique céleste. Tout d’abord, c’est le parfait alignement entre 3 astres : le soleil, la lune et la Terre. Au-delà de cette parfaite mécanique céleste, c’est surtout l’exacte concordance apparente du diamètre de deux astres. En effet, le diamètre apparent de la lune paraît être le même que celui du soleil.

Comment est-ce possible alors que le soleil mesure plusieurs millions de kilomètres et la lune quelques milliers ? Une heureuse coïncidence, la distance entre le soleil et la Terre est 390 fois plus grande que celle entre la lune et la Terre et dans le même temps le diamètre du soleil est 400 fois plus grand que celui de la lune. Ces rapports de grandeur étant très similaires, les tailles apparentes depuis la Terre du soleil et de la lune sont donc approximativement identiques.

Les éclipses éternelles ?

Chaque année, la lune s’éloigne de la Terre d’environ 3 à 4 cm. Cela pourrait paraître insignifiant, mais sur une échelle de temps stellaire, dans 500 à 600 millions d’années, la lune sera si éloignée que le diamètre apparent de celle-ci ne plus suffisant pour couvrir celui du soleil. Qui plus est, le soleil arrivant dans sa séquence principale (mort du soleil), il va grossir. Pour peu qu’il y est encore des êtres humains sur Terre, ils ne devraient alors assister qu’à des éclipses annulaires avec une magnitude s’abaissant avec le temps, jusqu’à être un lointain souvenir. On estime que d’ici 200 millions d’années, les éclipses totales ne seront plus observable depuis la surface de la Terre, mais peut-être alors depuis une éventuelle station spatiale !

La symbolique de l’image

L’Homme est composé à partir d’éléments créés au cœur des étoiles comme le soleil. Durant la vie d’une étoile, elle consume de l’hydrogène créant par la même des éléments de plus en plus lourds tels que l’oxygène, silicium jusqu’au fer…Une fois son principal carburant transformé, l’étoile n’a plus rien à brûler, celle-ci enfle et explose, expulsant ses couches extérieures et par là même les éléments dans le vide stellaire. Des éléments qui vont d’abord être sous forme de nuages de gaz et qui sous l’effet de la gravité vont s’agglomérer pour donner naissance à de nouvelles étoiles, voire planètes. On peut donc dire que les éléments qui nous composent sont issus des étoiles et plus particulièrement de la première génération.
Partant de ce constat et du lien mystique que l’Homme a entretenu durant des millénaires avec ce phénomène, je voulais réaliser des images qui induisent l’espèce humaine comme faisant partie d’un tout bien plus grand. Je voulais également associer l’élément humain à ce phénomène, déjà afin de composer une image forte de sens, mais aussi donner une symbolique, l’Homme levant les yeux au ciel pour contempler la création, regardant d’où il vient.

La technique

Matériel

Lors de ma toute première tentative en 2015 en Islande, j’avais photographié la convergence avec une optique 16-35 et comme idée d’inclure un premier plan et une silhouette humaine. Seulement, après cette première tentative, je constatais qu’au grand-angle l’éclipse apparaissait bien trop petite à mon goût pour permettre de s’immerger et donner un impact fort à la photo.

Note : la vision humaine est équivalente à un objectif de focale 50 mm environ.

De fait, pour donner plus d’impact à l’image souhaitée, j’ai alors pris le parti d’utiliser un télézoom, en l’occurrence un 70-200 mm avec doubleur. J’ai été jusqu’à utiliser un 150-600 mm pour l’éclipse annulaire traversant le Sultanat d’Oman. Avec le recul, les focales entre 400 mm et 600 mm me semblent être les plus adaptées pour ce type de cadrage. Pour le reste, j’utilise un capteur plein format (canon 6D) + un trépied, spécifiquement lors des éclipses totales.

Je donne cette dernière précision car je pense qu’il est possible de photographier une éclipse annulaire à main levée sans trépied et ce même avec un télézoom. En effet, même si le soleil est en grande partie occulté, dans cette configuration, il laisse passer encore énormément de lumière, à tel point que vous êtes obligé d’avoir une vitesse d’obturation très rapide (1/4000s).

Partant de ce constat et en se fiant à la règle du 1/1, à savoir qu’à main levée votre vitesse d’obturation ne doit pas descendre en dessous de la longueur de votre focale, il est donc possible de photographier une éclipse annulaire à main levée.

Rappel rapport focale/vitesse d’obturation :
Focale 500 mm : vitesse 1/500s
Focale 50 mm : vitesse 1/50s
Focale 16 mm : vitesse 1/20s

Composition

Tout comme les diamètres apparents identiques entre la lune et le soleil, j’utilise également la distance avec le sujet humain pour jouer sur les perspectives. Déjà, je réfléchis à son placement vis-à-vis de la convergence. Pour donner un sentiment d’immensité, je veille toujours à garder l’élément humain plus petit que le soleil. Enfin, pour renforcer le sentiment de contemplation, je veille également à positionner le personnage en dessous.
Pour veiller à ce que l’élément humain reste petit tout en ayant l’impression d’être très proche de l’éclipse, le meilleur moyen est simplement d’ajuster sa distance au sujet, cela peut aller jusqu’à plusieurs centaines de mètres (250 à 600 pour ces photos).

De mon expérience, la meilleure optique pour ce type de photo est un 150-600mm. De par son amplitude de focale, vous pouvez vous adapter et composer notamment en fonction du terrain. Car parfois, vous n’aurez pas le recul nécessaire pour être loin de votre sujet humain, notamment lorsque vous choisissez un point d’observation où l’éclipse se produira haut dans le ciel. Par expérience, j’évite celles se produisant au-delà de 40° au-dessus de l’horizon. Plus elle sera haute, plus vous devrez trouver un terrain accidenté, montagneux, pour non seulement avoir l’angle, mais aussi la distance nécessaire avec votre sujet.

Réglages

Avec le recul des quelques éclipses photographiées, je commence à avoir une idée assez précise des réglages à utiliser en fonction du moment et du résultat souhaités. Je vais évoquer ici exclusivement le cas d’une éclipse totale. A mon sens, le moment le plus intéressant sont les quelques minutes qui précèdent la totalité et spécialement lorsque le fameux « Diamond ring » apparait durant quelques secondes.  

Le principal élément à retenir est la baisse de luminosité croissante qu’il faut compenser. Lorsque j’estime l’occultation suffisante pour réaliser une photo, j’ajuste mes réglages pour équilibrer «  au mieux » mon exposition. Notez qu’il est impossible (à moins de faire du bracketing ) d’avoir un histogramme correctement exposé, le contraste entre le rayonnement et le reste de l’image est tel que vous aurez obligatoirement une partie surexposée. Après le premier déclenchement et jusqu’au moment de la totalité, vous devez réduire la vitesse d’ouverture de 2 diaph entre chaque photo. Cela implique donc de ne pas attendre entre chaque photo. Ce changement de vitesse d’obturation permet de compenser la perte graduelle de lumière.  

Point important : je n’utilise aucun filtre, car ceux-ci occultent tellement de lumière qu’ils rendent impossible la réalisation de ce type d’image. Notez qu’en procédant ainsi, vous pouvez endommager votre capteur irrémédiablement, tout comme vos yeux qui doivent d’ailleurs être protégés avec des lunettes spéciales. Le seul moment où il est possible de regarder à l’œil nu est lors de la totalité. Pour plus de détails, j’ai notamment écrit un article plus complet sur le sujet via notre blog (Renardo & Puffinou)

Futur Projet

Par le biais de mon agence de voyage et accompagné d’un couple de clients, ma dernière photo d’éclipse remonte au 26 décembre 2019 dans le désert du Sultanat d’Oman. Depuis, les conditions (accessibilité, magnitude) que j’estime propices aux types de photos que je cherche n’ont pas été réuni. J’avais commencé à prendre le rythme de photographier une fois par an une éclipse, qu’elle soit annulaire ou totale. À présent, mon regard est braqué vers la prochaine convergence qui réunit à mes yeux les paramètres pour réaliser une photo originale sur ce type de phénomène. Qui plus est, après plusieurs tentatives concluantes avec un élément humain, j’aimerais continuer à complexifier mes compositions et ne pas me répéter dans la démarche. Je pense que c’est là le principal challenge, continué à interpréter de manière unique chaque convergence, tout en retranscrivant la magie de ce moment. 

Mon prochain choix

Accompagné d’un groupe que je vais guider dans le cadre d’un voyage photo, j’ai choisi l’éclipse annulaire du 14 octobre 2023 qui, comme un clin d’œil à un précédent voyage, passe de nouveau en Oregon et ce non loin du passage de l’éclipse totale du 21 août 2017. D’après ma connaissance actuelle du terrain et au vu du tracé de l’éclipse, il est probable que je photographie celle-ci depuis le fameux « Crater Lake » qui, en plus d’être un lieu emblématique de l’État, sera quasiment dans l’axe de la bande de totalité. J’image alors une composition avec le fameux îlot volcanique au milieu du lac avec l’éclipse quelques degrés au-dessus de l’horizon. Vu l’endroit et l’engouement pour l’éclipse de 2017, ma seule crainte reste l’affluence.

Checkmydream
Checkmydream

Spécialisé sur la photo de paysages, mon travail photographique a vocation de vous faire découvrir une vision de la nature à la lumière de compositions originales et soignées. Je recherche particulièrement des associations de couleurs et de contrastes et j’aime de temps à autre y intégrer l’élément humain.

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Son matériel
SIGMA fp L

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