Photographe spécialisé dans le reportage et le portrait pour la presse, Anthony MICALLEF est aussi un fidèle utilisateur du 24mm F1.4 DG HSM | Art pour Reflex, une optique qui l’a accompagné dans la réalisation de son premier ouvrage Indigne Toit, soutenu par la Fondation Abbé Pierre et sorti tout récemment chez André Frère Éditions.
SIGMA France : Bonjour Anthony. Peux-tu pour commencer nous parler de ton parcours ? Comment es-tu devenu photographe documentaire ?
Anthony Micallef : Avant d’être photographe mon ADN est celui du journaliste, ce que j’aime par-dessus tout c’est raconter d’autres vies que la mienne. Mes parents attachaient beaucoup d’importance et d’espoir en l’école, j’ai donc d’abord coché des cases qui se veulent prestigieuses (prépa, Sciences-Po…) pour accéder à un métier, journaliste TV, dont j’ai réalisé assez rapidement qu’il ne me rendrait pas heureux, et pire : qu’il ne me permettrait pas de raconter de manière digne les gens qui me faisaient confiance. Dès lors, la photographie documentaire s’est imposée. Pour moi, c’est l’alliance idéale du récit, de la liberté et du temps.
Tu viens de publier chez André Frère Edition ton premier ouvrage, Indigne Toit, consacré au problème du mal logement à Marseille. Comment s’est construite cette série ?
Au départ c’est un reportage comme un autre, que je débute quelques semaines après l’effondrement de la rue d’Aubagne. Je viens de poser mes valises dans cette ville et ce drame – mais surtout ses causes et ses conséquences – sont pour moi une manière de mieux appréhender une cité grande comme une planète, mais composée de microcosmes clos, pas mélangée mais au contraire morcelée, pas uniquement bon enfant et lumineuse mais aussi sombre et violente. Ce projet, il va finalement durer trois années : je vais suivre plusieurs dizaines de familles délogées, leur errance dans les hôtels, leur disparition en plein jour, leurs combats et leurs drames. Ce boulot est d’abord publié dans la presse, puis pour qu’il soit vu des habitants, je monte des expositions pour la première fois de ma vie. Cela commence par un bar populaire, puis une association, et soudain après le départ de Gaudin, des photos de 5 mètres de haut sont montées par une grue sur la façade de la mairie de Marseille, sur le Vieux-Port. Ce moment assez dingue me donne envie de laisser une trace durable de ce cet épisode de la ville en le racontant dans un livre. Ou plutôt en le laissant le raconter par ceux qui l’ont vécu. Cet ouvrage rassemble des photos, mais aussi des témoignages écrits et sonores. Dans cette aventure, je suis assez seul comme souvent dans la démarche documentaire, mais je reçois un soutien essentiel : celui de la Fondation Abbé Pierre. Symboliquement, c’est le moment où je me dis « Là, tu es en train de construire quelque chose qui a du sens. »
On devine la focale de 24mm jusque dans les portraits. Est-ce que tu as réalisé cette série uniquement avec cette focale ? Pourquoi ce choix ?
La quasi-totalité de ce projet, soit au total près de quinze mille images prises en trois ans, et une centaine retenues dans l’ouvrage, ont été prises avec ce 24mm. Je travaille avec lui depuis plusieurs années pour une raison simple : en tant que journaliste, j’aime inscrire mes personnages dans leur univers. Il y a sûrement plusieurs façons de raconter le mal logement au 50mm, mais j’en suis incapable. J’aime les photographies qui sont comme des textes courts et ciselés, dans lesquels un homme est dépeint dans son environnement. Une photo permet de saisir immédiatement à quel point on habite un lieu, un poste de travail, une boucherie, un casino ou un bidonville, mais que ces lieux eux-aussi nous habitent. Balzac aurait fait un grand photographe.
L’édition est un développement qui intéresse beaucoup de photographes, c’est bien souvent même perçu comme le but d’une série pour beaucoup… mais ça peut être également très intimidant. Peux-tu nous en dire plus sur ce processus ?
Personnellement, je n’avais jamais imaginé faire un livre de ce projet. Ni d’aucun autre d’ailleurs. C’est mon côté journaliste : je travaille pour la presse, et même si mes projets sont souvent au long cours, je les imagine d’abord maquettés sur 4 ou 6 pages, et pas sur 160. Ce livre a fait évoluer ma vision des choses : mon Graal, jusqu’à présent, c’était 6 Mois. Depuis ce premier ouvrage, ce serait plutôt Actes Sud. Un livre, contrairement à un reportage pour la presse, ça vous apprend des choses non pas sur les gens que vous racontez mais sur vous-mêmes, sur votre identité de photographe, sur vos failles et vos obsessions. Pour ceux qui souhaitent tenter l’aventure, deux conseils : avoir de l’endurance (cela dure bien plus longtemps que prévu, et quand il sort enfin en librairie le travail ne fait que commencer) et être bien entouré : un éditeur et un graphiste avec qui vous vous sentez bien, ça vaut tout l’encre du monde.
Quels sont les travaux sur lesquels tu travailles en ce moment ?
Cela parlera de Marseille, j’ai toujours autant envie de raconter cette ville-planète. Mais après trois ans sur le logement indigne, je change complètement de thématique pour commencer un projet au long cours sur la jeunesse phocéenne.
Merci à Anthony de nous en avoir dit un peu plus sur le métier de Photojournaliste et la construction de cette série. Retrouvez l’ensemble de ce reportage et le livre Indigne Toit sur le site web https://indignetoit.com
Photographe spécialisé dans le reportage et le portrait.
Basé à Marseille, amoureux de la Méditerranée, et régulièrement de passage à Paris.