Dans la vie je suis photoreporter et en relation quasi exclusive avec mon 35mm ART. Après plus de 3 ans de fiançailles, je souhaitais rendre hommage à cette histoire fusionnelle et schizophrène qui ne connaît pas la routine.
Tout a commencé entre nous un après-midi de janvier 2017. Nous avions rendez vous dans le bureau de tabac le plus proche de chez moi. J’étais jeune, imberbe (ce qui est toujours le cas), lui était beau, il sentait bon le sable chaud, emballé dans son carton de livraison et molletonné dans son papier bulle. Notre cupidon avait la cinquantaine bedonnante, vendait des jeux à gratter et devait s’appeler Robert. Il me remis avec tendresse celui qui allait partager ma vie pour de nombreuses années. Après nos premières photos complices, mon 35 ART et moi avons appris à nous connaître. Les semaines passant, nous passions tout notre temps ensemble, de jour comme de nuit. Mais c’est après 5 jours de lune de miel, isolés, dans un monastère perdu dans les corbières occitanes que notre relation a réellement démarré. Livrés à nous-mêmes, j’ai découvert tout l’éventail de ses qualités, mais je crois que c’est son piqué qui m’a littéralement fait chavirer. Il a su très vite mettre du contraste dans mon regard et sublimer ce qu’il m’était donné à voir. C’est à ce moment-là que j’ai compris que lui et moi, c’était pour la vie.
Depuis, nous sommes toujours tous les deux. Avec lui j’ai fait le tour de la France et de quelques autres pays d’Europe. Notre passion commune a très vite été la découverte des autres et du monde. Dès l’été suivant notre rencontre, nous avons décidé de passer plusieurs semaines à Amsterdam. Il n’a pas hésité une seule seconde à me suivre. Ensemble nous avons flané, rigolé, mangé, parfois bu et contrairement à un space cake, entre nous il n’y a jamais eu de redescente. Nous allons d’aventures en aventures, de trains en trains avant d’aller parfois jusqu’au port, et profiter de l’océan. Mais au-delà de ces instants suspendus et passionnels, notre histoire est aussi professionnelle. Nous sommes indispensables l’un à l’autre. Ensemble nous racontons des histoires souvent ordinaires, parfois hors du commun. Nous avons même réussi à nous créer des amitiés communes. Nous pensons tous les deux que le relationnel et l’humain sont deux éléments indispensables pour raconter une histoire. Mon 35 ART m’a très vite permis d’établir une distance idéal pour capter les histoires des gens avec respect, sans verser dans le voyeurisme. Ensemble nous prenons le temps et c’est un bonheur, un luxe même pour le reporter que je suis.
Encore aujourd’hui nous vivons une relation passionnée, mais comme dans tout couple nous avons aussi eu des hauts et des bas. Casse, coups, pluie, poussière … A mon grand damn, je n’ai pas su le protéger de tous les aléas de la vie. Dernier exemple en date : le coup de canon à eau. En pleine manifestation, sur fond de “ACAB” et autres slogans en tous genres, mon 35 ART a mis sa lentille en opposition, face au kärcher géant qui avait décidé de faire de nous sa cible. Mon partenaire ne broncha pas. Depuis ce jour, je le surnomme affectueusement “Schwarzie”, car si nous aimons vivre dangereusement, mon tendre et cher n’en est pas à son coup d’essai. Quelques mois auparavant, il avait regardé droit dans les yeux le CRS qui nous menaçait de son tonfa. Il n’hésite pas non plus à gonfler le torse dans les mouvements de foule des émeutes ou des victoires en Coupe du monde … Après 3 ans d’amour ininterrompu, je le peut le dire aujourd’hui : mon 35 ART c’est mon caillou à moi.
A l’heure où j’écris ces lignes, confinement oblige, notre roman est plus ou moins mis sur pause. L’occasion, à mon tour, de prendre soin de lui, de rendre hommage à notre belle histoire et à son créateur.